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KUMA-APOTI, le village le plus propre du Togo

Kuma-Apoti, un village situé à une vingtaine de Kilomètres au nord de Kpalimé (120 km au nord-ouest de Lomé), est un modèle en matière d’assainissement du cadre de vie. Dans ce village situé aux confins des montagnes au nord de la ville de Kpalimé, des enfants aux personnes âgées, tout le monde est tenue de respecter les règles d’hygiène et d’assainissement. En fait, dans ce village, tenir son environnement propre est un principe fondamental de la vie communautaire. Découverte!

Vue partielle de la cour de l’école primaire de Kuma-Apoti

Mardi 05 février, nous quittâmes Lomé : direction Kpalimé plus précisément Kuma-Apoti, situé à quelques kilomètres de la frontière du Ghana dans le canton de Kuma (constitué de 10 villages). Pour y arriver en partant de Kpalimé, il nous a fallu passer par trois ponceaux, traverser des flaques d’eau et surtout emprunter une voie unique sur laquelle les nids de poules ont pris la place du bitume qui mène au sommet des montagnes. Mais une fois ces péripéties surmontées, le spectacle qu’offre ce village niché au bas du Todjè (Mont rouge) est d’une splendeur incomparable.

L’emplacement de ce village, en effet, permet une vue élargie sur le sommet des montagnes qui entourent le village de l’est à l’ouest et du nord au sud.

Assainissement, une règle d’or

Arrivé à la nuit tombée dans le village de Kuma-Apoti, nous n’avions pas pu profiter du spectacle de vue au-dessus des montagnes ni constater de visu et apprécier, les méthodes d’assainissement qu’ont mis en place les villageois et qui font leur renommée sur tout le territoire national. Du coup, il fallait attendre le lendemain pour en être édifiés.

La cour d’une maison

Le mercredi 06 février 2019, nous nous sommes réveillés le matin aux cris et chants des oiseaux et des coqs. Dès notre sortie, c’était un spectacle admirable qui s’offrait à nous.  Des montagnes à perte de vue et un paysage splendide qui s’étale sur de longues distances malgré le fait que «nous sommes en saison sèche », explique un habitant du village venu à notre rencontre. Du coup, nous avions oublié la centaine de kilomètres parcourus et les routes tortueuses empruntées la veille.  Outre, ses montagnes, Kuma-Apoti s’est fait connaitre grâce aux pratiques par lesquelles, il a acquis le nom « du village le plus propre du Togo ».

En effet, avec une population estimée à 2000 personnes, Kuma-Apoti est formé de quatre quartiers à savoir Ayim, Assounougbomé, Adamdé et Djoto. Sous l’autorité du chef du village, dans chacun de ces quartiers, les chefs quartiers sont tenus d’appliquer les règles d’assainissement instituées par les ancêtres, de sensibiliser les populations sur le respect des règles d’hygiène et la protection de l’environnement. De ce fait, chaque quartier possède un jour réservé uniquement aux travaux communautaires. De plus, les habitants sont tenus d’entretenir leurs maisons.

Une visite guidée dans tous les quartiers nous avait permis d’observer les populations à l’œuvre. En effet, ce mercredi-là, nous avions parcouru une trentaine de ruelles des quatre quartiers qui composent le village. Malgré  le fait que ces ruelles soient en roche dure ou en cailloux, pas de sachet plastique, pas d’ordures, pas de déchets des animaux, pas d’eau usée aspergéé sur le sol. Elles sont aussi propres que les devantures et les arrière-cours des maisons. « Dans notre village, tout le monde a pour obligation quotidienne de balayer sa maison et les alentours. C’est une mesure mise en place par nos grands-parents depuis des années », confie Ayissa, un jeune homme d’environ 25 ans que nous avions aperçu en train de refaire la clôture de l’enclos de ses animaux, dont la maison se situe tout près de la principale artère du village. Justement, cette voie qui divise le village en deux est entretenue presque quotidiennement.

Dans un mini bar-restaurant au bout de cette voie à la sortie du village, le propriétaire, un homme, la quarantaine ne badine pas avec la propreté.  Les nourritures sont couvertes. Certaines inscriptions appellent les clients au respect des règles d’hygiène. Pour ne pas s’arrêter là, dans ce bar la cigarette est interdite. « Nous savons que pour vivre mieux, il nous faut ce genre de règle. Dans le village, tout le monde est content », dixit le propriétaire sur un ton ferme, avant d’ajouter avec un brin de sourire « ne compter pas sur nous pour créer des entorses à ces règles ». A en croire le propriétaire du mini bar-restaurant, les eaux usées au lieu d’être jetées à l’emporte-pièce, comme de coutume dans plusieurs localités, ici sont déversées dans des fosses créées à cet effet. « Les habitants toute catégorie d’âge confondue, sont très soucieux de  l’hygiène de leur lieu d’habitation. Les populations ont instauré des règles strictes en matière d’assainissement. Ce qui leur permet de toujours garder leurs maisons et le village propre. Pour nous, professionnel de santé affecté dans ce genre de village, une partie du travail notamment sur la question de la sensibilisation est déjà effectuée par la population elle-même. Cela évite aux habitants du village certaines pathologies dont nous avons pas forcément les outils nécessaires pour une prise en charge immédiate et efficace », a confié l’accoucheuse du dispensaire de Kuma-Apoti, qui fait également office de soignant dans le village. L’ancien infirmier ayant pris sa retraite, il y a un mois, n’a pas encore été remplacé.

L’autre marque de fabrique des autorités traditionnelles de Kuma-Apoti est la mise à disposition des habitants, des poubelles. Ainsi, dans toutes les ruelles, à distance d’une centaine de mètre, est déposée une poubelle. Selon le Secrétaire général du Chef du village, Awonye Kodjo Eyram «cette mesure a pour objectif d’obliger les gens notamment les passants à ne pas jeter par terre leurs sachets ou autres déchets dont ils veulent se débarrasser ». « C’est un travail quotidien. Il y a une organisation spéciale dans chaque quartier. En accord avec la population, chaque quartier a choisi un jour pour rendre le quartier sain. En plus, tous les jeudis nous mobilisons, l’ensemble des habitants du village pour l’assainissement », explique fièrement M. Awonye.

Maillons essentiels de la communauté, les femmes sont également impliquées dans les travaux d’assainissement. « Nous rassemblons les femmes pour une participation active aux travaux d’assainissement dans le village. Ce n’est pas par plaisir ou en cas de possibilité mais c’est une obligation. Dès que les appels sont lancés, les femmes sortent massivement », a laissé entendre, Kponowobou Amavi Maman III, reine mère de Kuma-Apoti. «Celles qui sont absentes sans une raison valable sont sanctionnées d’une amende de 500 FCFA », a renchérit la sexagénaire. Dans ce petit village, cette somme est une petite fortune.  Dans son rôle de cheffe des femmes et leur représentante dans les organes décisionnels, la reine-mère mobilise et sensibilise également les femmes du village sur l’assainissement.

Ces pratiques sont ancrées même dans l’éducation des enfants. Ainsi, dans ce village, il n’est pas rare de voir un enfant enjoindre un étranger qui a jeté par terre ces déchets de les ramasser pour les mettre dans une poubelle. Ces enfants qui, pour la plupart, fréquentent l’école primaire du village située dans le quartier d’Assounougbomé entendent perpétuer la tradition instaurée par leurs grands-parents et arrières grands parents. « C’est une bonne chose pour nous que le village soit bien propre. A l’école, on apprend à tenir notre environnement sain pour éviter des maladies telles, le choléra », nous explique Clarisse, 11 ans en classe de CM2. « Ce n’est pas encore la satisfaction totale mais nous faisons de notre mieux pour inculquer aux enfants les valeurs propres au village. Je veux parler de la propreté à l’école et chez soi. Les enfants sont assez respectifs sur ce sujet. Moi, je pense même qu’on devrait instituer une évaluation basée uniquement sur la thématique du village afin d’impliquer un peu plus les enfants », affirme un enseignant de l’école primaire du village.

Autre chose frappant, dans le village de Kuma-Apoti, chaque maison possède au moins une toilette. Par conséquent, les villageois ne défèquent pas à l’air libre. Ce qui est rare dans les contrées reculées comme celle de Kuma-Apoti.

Soutien de Aimes-Afrique…

« Aimes-Afrique nous aide beaucoup notamment sur le plan de la formation et des infrastructures. Nous ne pouvons que remercier le président-fondateur de cette ONG, Dr Michel Kodom et l’ensemble de ces collaborateurs. Leur aide matérielle et financière est essentielle pour ne pas dire vitale pour notre village », confie Amegbor Koffi, Président du Comité de développement villageois (CDV). En effet, depuis 2013 année de ses premiers pas à Kuma-Apoti, l’ONG Aimes-Afrique est devenue un partenaire de choix pour le développement de ce village.

L’organisation humanitaire, outre les opérations chirurgicales, a construit une cantine scolaire d’une centaine de place pour permettre à tous les élèves de l’école primaire de prendre au moins un repas par jour. Concernant, l’assainissement l’ONG forme régulièrement les leaders communautaires. Il y a également des appuis financiers. En témoigne, l’enveloppe d’un million de FCFA octroyée au village de Kuma-Apoti pour les efforts en matière d’assainissement, lors du 14ème anniversaire d’Aimes-Afrique célébré en janvier dernier.

Après plus d’un siècle d’existence, les habitants du village de Kuma-Apoti comme l’a voulu leurs ancêtres, sont très attachés à l’assainissement. Ce qui permet depuis des générations de porter le nom de l’un des villages les plus propres du Togo. Un titre que les nouveaux habitants ne sont visiblement pas prêts à abandonner.

Outre le prix du village le plus propre décerné par Aimes-Afrique, Kuma-Apoti a déjà par le passé, gagné d’autres prix récompensant les villageois pour leur engagement à faire de ce village, un modèle.

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