Assainissement : La défécation à l’air libre toujours en vogue à Lomé

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Image illustrative

Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques et démographiques(INSEED), 45,3% de la population pratique la défécation à l’air libre. Le phénomène qui est provoqué par l’absence de latrine dans des ménages expose à des pathologies liées au faible niveau d’hygiène qui n’est pas sans conséquences directes sur la santé.

La défécation à l’air libre, c’est le fait pour une certaine catégorie de population, d’aller satisfaire ses besoins naturels dans la nature. Généralement, cela se passe sur des dépotoirs, des abords des espaces libres, des rails et aux bords des caniveaux à des heures spécifiques de la journée, au su et au vu de tout le monde. Dans la capitale togolaise, Lomé, le phénomène se fait de plus en plus criard par endroits. Dans des quartiers comme Gbadago, Boka, kodomé Togbato, Gbossimé rails et Adéwui-rails, les abords de l’université de Lomé (côté ouest), Adakpamé -Zioto, Akodéssewa, Zorro-Bar etc. Le spectacle est saisissant.

Le phénomène est observable tous les jours au petit matin et à la tombée de la nuit. Le spectacle offert par des hommes, un pagne noué à la taille, cigarette au bec accroupis à même le sol ou aux bords des caniveaux, sur les dépotoirs où se trouvent également des femmes, venues satisfaire elles aussi leurs besoins, est pour le moins affligeant et réducteur. Souvent certains passants de tous âges et conditions sociales pris subitement par ces besoins, se mêlent à la danse.

Cette situation peu honorable et avilissante est due à l’absence voire, au non fonctionnement des latrines dans certaines maisons de la capitale. La plupart comprend des chambres à louer régulièrement occupées dont les propriétaires encaissent les loyers chaque fin du mois.

De nos investigations, il ressort que dans la plupart de ces maisons qui datent de la période coloniale, les fosses d’aisances sont frappées par l’usure du temps et de ce fait, ne sont plus opérationnelles. « Il y avait 2 WC traditionnels (fosse d’aisances) dans notre maison qui grouille de nombreux locataires. Avec le temps, ils sont tous les deux effondrés. Depuis, les enfants du propriétaire qui se partagent les loyers chaque fin du mois, ne se sont pas encore accordés sur la meilleure façon de les réhabiliter. D’où l’obligation où nous nous trouvons d’aller nous satisfaire dans la nature et les latrines publiques. Tant que nous ne trouverons pas une maison dans le quartier dotées de fosses septiques modernes, nous ne pouvons pas quitter. Personne n’a envie de s’éloigner davantage de ses lieux de travail. », confie Agbéssimé Kodjogan, un cordonnier résidant à Tokoin-Gbadago, et opérant dans le quartier commercial de Lomé.

Quant aux maisons construites, il y a une vingtaine ou une quinzaine d’années et dotées de fosses septiques modernes, elles sont pour certaines, confrontées à des problèmes de gestion ayant abouti à la fermeture des WC. « Notre maison que nous habitons depuis bientôt dix ans est dotée de fosses septiques modernes qui fonctionnent normalement. Mais depuis l’arrivée de certains locataires venus d’un certain pays de la sous –région, les choses ont changé. Les frais de WC ne sont plus versés régulièrement. A trois reprises, le propriétaire a dû sortir l’argent de sa poche pour assurer la vidange. Fatigué, il a fermé les latrines jusqu’à nouvel ordre. Mais, heureusement pour moi, à l’expiration de ma caution dans les mois à venir, je regagne ma petite maison que je viens d’achever à Akato », explique un jeune homme surpris dans aux niveaux des rails de Gbossimé qui vient de se soulager dans les herbes.

Les conséquences d’une telle pratique s’inscrivent au chapitre de la pollution de l’environnement et la souillure du sol et des aliments. En effet, des dépotoirs, caniveaux et autres espaces publics où se pratique la défécation à l’air libre, se dégage une odeur pestilentielle qui envahit à longueur de journée, sous le soleil, sous la pluie, les quartiers avoisinants. Par ailleurs, les matières fécales ainsi déposées à l’air libre, attirent toute une meute de mouches qui viennent par après, se poser sur les nourritures avec tout ce que cela peut provoquer comme maladie, sur la santé publique. En d’autres termes, la défécation à l’air libre conduit à la réduction de l’espérance de vie, l’explosion de la mortalité infantile et des maladies intestinales chroniques. Comme quoi : « quand les gens font caca dehors, on finit par manger les selles de nos voisins », un habitant de Gbadago.

A Lomé comme dans les zones rurales, le phénomène persiste malgré les efforts consentis par les pouvoirs publics et les organisations non gouvernementales. Avec l’avènement des maires élus à la tête des communes, l’espoir est grand d’assister à une prise de conscience des élus locaux du problème en vue de l’éradication de ce phénomène à la base de plusieurs maladies souvent mortelles. Malheureusement nos maires n’en parlent pas et chaque année, la situation s’aggrave avec la saison des pluies au cours de laquelle, les populations, du fait de la défécation à l’air libre, se trouvent exposées à des pathologies comme le choléra.