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AUTISME : Le combat contre la marginalisation

Autisme. Le mal est encore méconnu au Togo. Pourtant, il existe bel et bien. Des personnes touchées en souffrent au quotidien. Et les parents doivent s’adapter. Parmi toutes les difficultés à diagnostiquer le mal jusqu’à sa prise en charge, en passant par le regard de la société, du chemin reste à faire au sein de la société togolaise. Social Infos vous plonge à travers ce  dossier dans les méandres d’un mal peu connu qui fait pourtant ravage dans le pays.

L’autisme est un trouble du développement humain caractérisé par des difficultés de l’apprentissage social, de la communication, avec des comportements stéréotypés c’est-à-dire  répétitifs sans but apparent. Il se caractérise par  des problèmes de communication au niveau du langage,  des difficultés de socialisation des enfants, des troubles de comportement. C’est souvent des difficultés d’apprentissage et d’insertion sociale qui sont remarquées chez des enfants de 18 à 36 mois.              

Dans un contexte où l’autisme est encore tout nouveau dans les esprits au Togo, il y a de quoi s’inquiéter. Le schéma  est clair : il n’existe pas beaucoup de  spécialistes au sens propre du terme au Togo de même que les centres de prise en charge.

Une socialisation difficile

Il est difficile pour les enfants autistes de se faire accepter dans les écoles. Mais de l’avis de Max Adedje, président de l’Association Vivre et Grandir (AVeG), la scolarisation des enfants est très importante. Pour lui, il  n’y a pas à en vouloir aux écoles mais une solution durable doit être trouvée. « Un enfant, il lui faut forcément une prise en charge éducative et scolaire mais la structure doit être adaptée », explique-t-il.

A travers les négociations avec des écoles de la place, certains enfants ont pu être acceptés. Des difficultés surviennent lorsque les responsables d’écoles éprouvent de la peine à gérer ces enfants comme les autres. « Ils sont déscolarisés », créant une situation regrettable.

« Il faut un cadre scolaire, pour ces enfants parce que ça les aide.  Lorsqu’un enfant autiste est accepté dans une école classique, après une période, il arrive à s’adapter », affirme-t-il.

Des centres de prise en charge des enfants autistes existent au Togo sauf qu’ils ne sont pas spécialisés. C’est dire qu’ils n’enregistrent pas que des enfants autistes mais d’autres atteintes de troubles mentaux, entre autres. Il y a par exemple les écoles comme « L’envol » qui sont près d’une dizaine réparties sur l’ensemble du territoire national. Chaque chef- lieu de région possède au moins un. Lomé par contre en a jusqu’à 4.

Il y a aussi le centre « La  Lumière » situé à Zanguera qui accueille une quinzaine d’enfants autistes. D’autres structures privées comme les écoles internationales du pays qui prennent aussi en charge les enfants autistes.

Le combat quotidien des parents

Que ce soit pour les parents ou les éducateurs, l’autisme reste un trouble diversement apprécié. C’est une situation difficile. Dans la plupart des cas, les parents sont obligés de se séparer ou de recruter des domestiques pour prendre soin des enfants. Là encore, des complications surviennent du moment où prendre en charge des enfants autistes relève d’une formation à part entière. Certains parents sont amenés à changer régulièrement de domestiques, ce qui complique tout. Selon Zinzina Safiou Malnéré, spécialiste des troubles du spectre autistique et président de l’Association Autisme Togo, «  les enfants autistes sont souvent rigides au changement. Ils peuvent devenir violents si leurs environnements changent. Ils se sentent dérangés lorsque les domestiques par exemple sont remplacés à tout bout de champ ».

« La communication avec ces types d’enfant n’est pas toujours facile, il faut constamment bien le comprendre et aussi bien se faire comprendre pour éviter des malentendus qui peuvent aboutir à des situations de crise. Pour schématiser, le regard des autres, c’est aussi un élément à gérer », raconte M. Yaboue, parent d’un enfant autiste  et directeur du centre «La lumière ».

Le plus gros souci reste un diagnostic précis et précoce. « C’est donc vers 4 ans à la maternelle que nous avons commencé par nous rendre compte des difficultés de notre enfant. Mais mettre un nom sur le trouble dont il souffre est un autre problème malgré les scanners et autres. C’était vraiment frustrant jusqu’à ce que dernièrement en 2018, des psychologues et orthopho-nistes aient identifié des traits autistiques », confie M. Yaboue.

« Le manque d’accès aux services sociaux de base : santé, éducation,  moyens de subsistance, etc, l’exclusion, discrimination à cause d’un enfant handicapé, le rejet par la famille, séparation des conjoints, la faible productivité et appauvrissement  et la non-participation aux activités communautaires » sont les difficultés énumérées par l’Orthophoniste, Até Karilowô.

Les associations en soutien

Face à cette situation, les parents se tournent souvent vers les associations. L’une d’entre elles est l’Association Vivre et Grandir (AVeG).  Cette association en 2015, mène plus d’actions de sensibilisation par l’entreprise des conférences de presse et des émissions-radiophoniques en direction des populations et acteurs de la société civile.

La construction d’un centre spécialisé fait partie des priorités de l’AVeG. Il faudra la synergie de plusieurs spécialistes à l’instar des pédiatres, psychologues, entre autres pour y parvenir. Il y a aussi la nécessité de former le personnel et des auxiliaires de vie sociale. Ces derniers auront pour rôle d’assister quotidien-nement les enfants et de les accompagner dans leurs tâches scolaires. Des bureaux et centres de loisirs viendront également renforcer les infrastructures. Ce projet qui est étalé sur 4 ans a un coût d’environ 900 millions FCFA.

Outre la prise en charge des parents, leur formation se révèle être une nécessité. Dans la plupart des cas, les parents ont beaucoup de difficultés pour se rendre compte du mal dont souffre l’enfant. Par après, ils ne savent pas comment le prendre en charge au niveau familial. C’est donc pour outiller les parents et mettre fin à l’improvisation que leur formation est envisagée. Ce sera l’un des volets phares du centre dont la construction est en projet.

Parmi les associations, il y a aussi « Autism Care Togo », une organisation à but non lucratif qui a pour mission d’éviter le sur-handicap chez les enfants autistes. On compte aussi parmi les associations existantes, Autisme Togo dont les responsables appuient certains centres de prise en charge du pays en termes de formation et d’accompagnement.

Des causes difficiles à cerner

Les spécialistes restent unanimes sur cette position. Il n’y a pas de causes clairement identifiées pour l’autisme. Au niveau de la fédération québécoise de l’autisme, trois approches scientifiques, -à la limite des hypothèses- ont été  associées au déclenchement de l’autisme. Il s’agit de l’approche génétique selon laquelle la prédisposition génétique semble évidente et l’approche neurobiologique selon laquelle l’autisme provient d’un trouble lié au système nerveux central. On  note aussi l’approche environnementale selon laquelle l’autisme découle d’une agression précoce provenant de facteurs environnementaux (pollution, agents infectieux, métaux lourds, etc.).  La différence d’âge des parents est perçue comme un facteur de risque au même titre que la césarienne et les contraceptifs chez les mères.

Néanmoins, rassure Zinzina Safiou Malnéré, psychologue clinicien, spécialiste des troubles du spectre autistique, on peut détecter le trouble depuis la pédiatrie. « L’autisme peut être détecté avant 18 mois. Il suffirait d’être spécialiste pour savoir les signes d’alerte de l’autisme. Depuis les pédiatries, on peut identifier un enfant autiste, attendre 3 ans pour poser un diagnostic et faire un dépistage », fait-il savoir.

Même si pour l’heure, les orthophonistes ne sont pas habiletés à diagnostiquer les enfants autistes, ils font une bonne partie du travail de prise en charge. Sur le terrain, ces enfants apprennent plus à l’aide des images. Chaque activité que ce soit le sport, la sieste, les calculs, doit être associée à une image illustrative.

« Nous travaillons sur la compréhension, l’expression, pour qu’ils comprennent tout ce qui les entoure et choisir les bons mots à la place qu’il faut », indique M. Até Karilowô, Orthophoniste d’Etat et de surcroit secrétaire général de l’AVeG.

Pour lui, il faut mettre ensemble les compétences existantes pour renforcer la prise  en charge des enfants autistes. Il déplore le fait que chaque  professionnel avance en rang dispersé, ce qui n’arrange pas les enfants. A la question de savoir ce qu’il en est des matériels, M. Até fait savoir qu’il faut plus miser sur ce qui entoure comme les photos de sorte à faire comprendre à l’enfant son environnement. Il recommande plutôt une adaptation au contexte africain.

Au Togo, les enfants autistes sont souvent mis ensemble dans les classes avec d’autres atteints de pathologies diverses. La cohabitation est souvent difficile du fait de la spécificité de chaque cas. « Il va falloir créer un centre spécialisé. L’Etat fait des efforts mais il reste encore », reconnait-il.

Aujourd’hui, aucune statistique fiable n’existe sur l’autisme. Mais les associations et les spécialistes s’accordent sur l’augmentation des cas ces dernières années.

Assou AFANGLO

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