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Grossesse précoce: «Je ne voulais pas être mère tout de suite, ni me marier»

Backwife (femme renvoyée) ; Pokpaagl ( femme répudiée), etc. Ce sont entre autres, les concepts péjoratifs attribués aux filles mères, aux femmes répudiées et celles revenues au sein de leurs familles d’origine. Les causes de ce phénomène sont légions, mais leurs conséquences demeurent plus drastiques, dans plusieurs villages de Dapaong. Entre l’ignorance des méthodes contraceptives, l’analphabétisme, la non maîtrise de la santé sexuelle et reproductive , les adolescentes paient le lourd tribut: la déscolarisation, les avortements clandestins et la pauvreté…..

«Je ne voulais pas être mère tout de suite, ni me marier encore moins abandonner mes études». C’est ainsi que nous confie Honorine Larbik; mère d’une petite fille de 9 mois. A 19 ans révolus, elle voit son avenir avec incertitude, avec son bébé en main, lequel n’a plus revu son père depuis deux semaines.

C’est sous un mélina qu’elle raconte sa mésaventure, dans son village natal de Boulogou ( préfecture de Tandjouaré). Catholique pratiquante, dernière d’une famille de neuf enfants, Hono comme on l’appelle affectueusement, aspirait devenir une religieuse. Mais, aujourd’hui, son destin de vie consacrée s’est arrêté brusquement. Désormais, elle pourrait participer à la messe en tant que laïque, sans communier, en attendant son mariage chrétien.

Selon son récit, il y a de cela une année, elle était encore en classe de troisième. Après un premier et un second échec au BEPC ( brevet d’études du premier cycle), elle décide abandonner les bancs. « Comme je n’avais pas le bac, je savais que je deviendrai pas une religieuse. Je voulais faire la couture. Juste après trois mois de contrat, à Cinkassé ( ville frontalière avec le Burkina), je découvre que je suis enceinte», explique t-elle.

Une nouvelle qui va la surprendre. La jeune mère explique qu’elle ne savait pas qu’elle deviendrait enceinte, après un seul rapport sexuel. Son conjoint, qu’elle explique l’avoir connu quelques jours plus tôt, n’est qu’un sans emploi. Avec la nouvelle de la grossesse, Honorine Larbik quitte son lieu d’apprentissage pour rejoindre la maison de son conjoint, au grand dam de celui-ci. C’est le début d’un mariage et d’une vie de couple qui n’ont ni été envisagés , encore moins préparés. Puis s’en suivent les mésententes entre couple et la pauvreté.

Honorine a gros sur son cœur», comme on le dit la-bas.Pour cause, elle a été frappée par son conjoint lors d’une dispute de couple. A t-elle donc ramassé ses bagages pour rejoindre ses parents . Mais, c’est sans ignorer le poids des cultures et des traditions, qui interdisent les filles mariées de revenir définitivement dans la famille de leur père. Une situation qui hante Honorine Larbik qui sait que s’éterniser dans sa famille natale comme une jeune fille ne sera jamais acceptée ni par ses parents encore moins ses frères. Face à ces péripéties, elle regarde sa fille et soupire.

Comme Honorine, elles sont nombreuses, ces jeunes filles à prendre des grossesses indésirées et à abandonner leurs études et projets de vie. C’est le cas de Martine Kombaté, 18 ans, élève en classe de terminale au Lycée de Bombouaka. Martine a pris la grossesse de son copain Alain Douti, de même classe. «Après une tentative d’avortement clandestin, selon les parents du garçon, elle saignait et est hospitalisée; finalement l’enfant naît, un garçonnet. Martine se voit arrachée son bébé, et est donc accusée d’avoir tenté de tuer son fœtus. Elle este en justice selon ses dires et ne bénéficie point de soutien. « C’est avec chagrin que j’ai quitté ma famille pour me rendre à Bassar , abandonnant mon fils. Je supplie qu’on me rende mon fils , mais en vain. Je demande de le rendre visite, mais on me le refuse», sanglote Matine Kombaté.

Les études sont abandonnées, ainsi que les projets de devenir avocate, comme le souhaitait Martine Kombaté. Aujourd’hui, après plusieurs tentatives infructueuses de voir son enfant, elle projette de rendre au Burkina pour travailler dans une buvette comme , sa camarade Yobar Dametchiré. Cette dernière , la vingtaine vit à Tenkodogo au Burkina Faso, depuis une année. Après avoir été enceintée et abandonnée dans le village de Yanyane ( oeust de Dapaong) par un orpailleur de Galamsey ( Ghana), elle a élu domicile au Burkina, avec sa petite d’à peine un an. Serveuse de bière, elle sensibilise ses camarades sur les séductions des hommes.

Dans certains villages, les enseignants seraient à la manette. Comme à Tindgandongou , Pligou et Bombouaka, certains parents d’élèves pensent que les éducateurs ont des responsabilité dans les grossesses des adolescentes. A Boulougou, on pointe du doigt certains enseignants qui ont carrément épousé des élèves et leur contraint abandonner leurs études.

Les faits similaires sont notés dans certaines contrées. Ici, au quartier Tingban de Dapaong ville, certains enfants portent les noms de leurs géniteurs dont ils n’ont jamais vu. On parle des enfants de « Ebomaf», ces employés de l’entreprise Ebomaf qui construisaient des routes dans la ville et qui seraient selon les dires, les géniteurs desdits enfants, dont les mères sont des élèves. C’est aussi le cas de Ubertine, 21 ans, mère de jumelles , elle-même orpheline de père et mère, dont le conjoint n’a pas reconnu ses enfants. Elle confie que c’est lors d’un voyage sur le Burkina Faso, qu’elle fit la connaissance du père de ses enfants. «Celui-ci , explique Ubertine, a refusé de reconnaître la grossesse et les enfants, cela fait bientôt deux ans». Ubertine qui vit auprès de son oncle a écourté ses études pour s’occuper de ses enfants.

Ailleurs, dans le village de Katindi ( Est de Tône ), Malpo Blimpo, mère d’une fillette de 3 ans, qu’elle a eu avec un aventurier venu d’un pays voisin accuse «les aventuriers de séduction sans respect sur les filles mineures». Des témoignages que partagent les jeunes filles de Yembour ( ville frontalier au Ghana), Warkambou ( village frontalier au Ghana). Ces appâts de gains faciles que sont victimes les filles mineures, engendrent des cas d’abus sexuels et des grossesses non désirées.

Ces cas de filles mères sont légions dans plusieurs villages et les géniteurs en ont conscience; C’est le cas de Djimongue Maldib qui a enceinté deux filles de deux villages voisins, Sannaaba et Kpalbiaga ( préfecture de Cinkassé). « je prends soin de mes enfants, mais je ne veux pas de femmes tout de suite, parce que je peux prendre soin d’une femme, j’ai pas de travail. Je fais des concours, mais cela ne marche pas». Au coeur de la ville de Dapaong, on rencontre ces types de garçons géniteurs de plusieurs enfants, qui disent « prendre soin de leurs enfants». Comme à Pana, Madjoua Djabigou explique: « j’ai eu vite un enfant avec ma copine, j’aide ma copine».

L’extreme pauvreté…..

«La pauvreté, l’absence de perspectives économiques poussent les jeunes filles dans les bras des hommes contre de l’argent», explique Manubar Kolani, explique chef-coutumier de Barkoissi. Selon un religieux franciscain, l’éducation de base et de maîtrise de soi, a cédé la place à la télévision qui autorise tout. Dans la plupart des villages, les centres d’écoutes et d’accompagnement des jeunes n’existent point. Ainsi, l’ignorance, le poids des cultures et des traditions empêchent la non maîtrise de la santé sexuelle et reproductive.

De Pligou à Kpebongou, de Naki-est à Naki-Est, de Boulogou à Barkoissi, de Kantindi à Goussiette de Nagouni à Borgou, les filles mères, les femmes avec enfants, les grossesses indésirées ont encore la peau dure. Avec un impact direct sur les conditions de vie, d’éducation et de formation des jeunes filles, sur une région, déjà en manque de presque de tout.

Edouard Kamboissoa Samboé

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