Les mariages qui ont lieu avant l’âge de 15 ans sont considérés comme des « mariages très précoces ». Ces mariages ont un effet particulièrement néfaste sur les filles, interrompant leurs études plus tôt et mettant gravement leur santé en danger. Au nord du Togo, le phénomène a fait l’objet d’une étude pilotée par la section togolaise de l’organisation Women in Law and Development in Africa (Wildaf Togo).
La présente étude menée entre mai-juin 2023, dans les cantons de Kri-kri, Takpamba et Tchanaga indique des pourcentages élevés de la pratique de mariage d’enfants (50 % dans le canton de Kri-kri, 94 % dans le canton de Takpamba et 72 % dans le canton de Tchanaga soit un total de 72,3 %) et évoque d’autres formes de mariages d’enfants à travers la pratique de l’échange, le rapt, le troc, le lévirat, le sororat, le mariage de filles vierges, la violation des termes du contrat de mariage comme formes de mariage d’enfants. « Dans les trois cantons 79 % des enquêtés disent avoir connaissance de mariage d’enfants dans leurs communautés », indique le résumé de l’étude.
Selon cette étude, les causes de ce phénomène sont d’ordre économique, socio culturelles ou religieuses. « Dans les cantons de Tchanaga et Takpamba, où face aux conséquences dues à la perte des récoltes suite aux aléas climatiques, la communauté trouve une alternative à organiser le mariage d’enfants (échange) afin de permettre à l’époux de la future mariée de verser la dot en nature (les bœufs) qui viennent compenser leurs pertes économiques (récoltes). L’échange est une pratique ancestrale instituée depuis des centaines d’années car il contribue au renforcement de la cohésion sociale, la solidarité, permet d’éviter les conflits fratricides nonobstant l’âge ou la minorité de la fille donnée en échange », peut-on lire dans le document.
Certains mariages d’enfants dans le canton de Kri-kri avaient été occasionnés à cause de l’incapacité des parents à rembourser les frais octroyés par le Fonds National de la Finance Inclusive (FNFI) mis en place par le gouvernement. Les parents ont été obligés de marier leurs enfants pour trouver de l’argent à rembourser à cette institution, précise l’étude.
Des conséquences néfastes…
Les mariages d’enfants entraînent souvent des violences et abus sexuels de la part du mari et les relations sexuelles sont souvent forcées et donc des risques pour la santé. Il s’agit notamment des risques liés aux grossesses précoces, première cause de mortalité chez les 15 à 19 ans, mais aussi au VIH car, même si une fille a eu la chance de recevoir une éducation sexuelle, elle est rarement en capacité de négocier des relations sexuelles protégées.
Une fois mariée, une fille est considérée comme adulte et est prise en charge par son mari. Elle n’a donc plus d’intérêt à aller à l’école. Les tâches domestiques et l’éducation des enfants ne leur en laissent de toute manière pas le temps. Pourtant, l’éducation des filles est le meilleur instrument de lutte contre la pauvreté. Une fille instruite met au monde moins d’enfants et, sensibilisée à l’importance de l’éducation, elle veille à ce que ses enfants aient une éducation de qualité et lutte ainsi à son tour contre le mariage précoce.
Aussi, faut-il souligner que, les mariages précoces empêchent les femmes de sortir de la pauvreté en perpétuant des systèmes patriarcaux existants. Il s’agit d’une situation injuste et d’un énorme potentiel perdu pour le développement des individus, des communautés et des pays.