Mawusé TODZRO est une jeune mère de 30 ans. Même si elle ne savait pas qu’elle allait devenir entrepreneure à la tête d’une structure de 31 producteurs et 10 transformatrices, cette aînée d’une fratrie de 4 enfants dont 3 filles et un garçon (benjamin), peut être considérée comme le prototype même de l’entrepreneure agricole togolaise.
Du haut de ses 22 ans en 2010, son baccalauréat littéraire en poche et continuant les études supérieures en sociologie, elle a eu la géniale idée de voler au secours de l’entreprise agricole de son père, Simon Todzro. L’ONG CFAPE Togo, basée à Kpalimé (120 km au nord-ouest de Lomé) sur la route de Kpadapé, est un cercle de formation agricole créé depuis 1999 et regroupant 6 groupements en matière de collecte des produits agricoles. Ce cercle battait de l’aile. Les producteurs n’arrivaient pas à joindre les deux bouts.
La jeune étudiante a décidé de créer le Collectif des groupements pour les produits agricoles bio (CGPA bio). La bouée de sauvetage ne change pas les activités basiques de l’entreprise-mère mais y introduit le système de collectif où des producteurs de produits bio sont regroupés et formés pour développer le système AMAP, un système où le producteur et le consommateur se rencontrent sans intermédiaire (grossiste, semi-détaillant ou détaillant) pour la commercialisation et l’achat. « C’est en 2010, après mon Bac A4 que j’ai apporté un coup de main à mon papa pour faire évoluer la structure. J’ai ciblé 3 villages notamment Hagnigba, Lavié et Gbalavé. J’ai sensibilisé les producteurs qui sont dans les fermes comme nous. On les a formés et on faisait aussi le suivi technique pour la production », a-t-elle déclaré.
Elle a également regroupé les femmes de ces producteurs pour leur donner une formation sur la transformation. « Depuis 2009, j’ai commencé par transformer les fruits en confiture papaye, ananas, banane, mangue et les sirops aussi. Je faisais aussi du curcuma », a-t-elle ajouté. Selon Essi Dowui, l’une des productrices de confiture, originaire de Kpalimé Zomayi, cela fait exactement 4 ans qu’elle exerce son métier sous le contrôle de la jeune Todzro. « Avant, je ne maîtrisais rien du tout. Mais avec la formation qu’elle nous a donnée, je suis plus aguerrie et je sais ce que je fais. Mawusé m’a beaucoup aidée », a-t-elle avoué. La jeune entrepreneure a aussi amené les producteurs vers les achats des semences parce que, dira-t-elle, « il n’y en avait pas assez ».
Il faut être un génie pour réussir ce coup. Mlle Todzro ne s’en réclame pas. Si elle est arrivée à bâtir son univers entrepreneurial, c’est grâce à l’éducation qu’elle a reçue depuis l’enfance. « Ma passion était de travailler dans l’agriculture. Depuis l’enfance, nous étions obligés à travailler avec le papa dans les champs. Lorsque j’ai obtenu mon Bac, je me suis rendue compte qu’à la base, il y a l’agriculture, la population a besoin de manger une alimentation saine », a-t-elle relevé.
Le travail dans les champs contre l’argent de poche
Enfants, Mawusé et ses sœurs et frère travaillaient déjà dans les champs de leur papa, de gré ou de force. « En ce temps-là, il y avait une pénurie d’ouvriers. Quand nous revenions de l’école, il nous appelait sur le site de la ferme pour l’aider dans les repiquages, les arrosages et on mettait le sable en sachets. Tout le monde y prenait part, aussi bien nous les filles que le garçon. En tout cas, nul n’était épargné », se souvient-elle le sourire aux lèvres.
Etant l’aînée et surtout que le seul garçon de ses parents soit le benjamin, Mawusé avait beaucoup de charges sur ses épaules, on ne se demandait pas si elle était une fille ou non. Voilà l’une des raisons qui expliquent pourquoi elle reste pour l’heure la seule des 4 enfants à embrasser l’agriculture et à faire de cela son occupation de tous les jours. « Ma sœur cadette est devenue une hôtesse, celle qui la suit est étudiante en 3ème année de comptabilité et le benjamin est en Terminale. Je suis la seule à m’être ancrée dans l’agriculture. En tout cas, pour le moment », dit-elle avec sourire. Aujourd’hui, Mawusé Todzro pilote un vaste empire entrepreneurial auquel prennent part 31 producteurs et 10 femmes transformatrices.
Tous les mardis sont réservés à la collecte des produits chez les différents producteurs dans les villages. « Nous y allons à moto. Les fermes se trouvent soit à 4, 7 ou 10 km. Avec ces produits, on revient à Lomé et la commercialisation se fait suivant le système AMAP. C’est un système entre producteurs et consommateurs. Il n’y a pas d’intermédiaire. Le producteur vient livrer directement au consommateur. C’est peut-être les frais de transport que les produits subissent », a souligné l’entrepreneure.
Depuis 2015, elle est titulaire d’une licence en sociologie, option Pratique sociale, santé et développement. «Avec ce diplôme, je peux travailler dans tout domaine social, ce n’est pas très loin de l’agriculture », a-t-elle relevé. La jeune battante ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. « Je programme de m’inscrire en Master de développement à partir de l’année prochaine ».
Germaine APENOUBOU avec globalactu