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Le nouveau visage de l’esclavage

Célébrée le 25 mars, la journée internationale des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves est l’occasion de rendre hommage à ceux qui ont souffert et sont morts aux mains de ce système cruel. Dans l’imaginaire de beaucoup, l’esclavage s’identifie à la traite d’esclaves du 18ème et 19ème siècle et à son cortège cauchemardesque d’horreurs. Ainsi on se laisse trop facilement persuader que l’esclavage n’est qu’un anachronisme barbare du passé et qu’il a été éradiqué par les lois de 1848, ou par la déclaration des droits humains en 1948. C’est faux, totalement faux.  Aujourd’hui le nombre d’êtres humains qui vivent dans les conditions d’esclavage dépasse de beaucoup les esclaves des siècles passés. Les formes d’esclavage sont multiples et elles varient avec l’époque, la culture et le système économique.

Le trafic d’êtres humains est défini comme «le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation.» (Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants).

Si ce commerce ne nécessite ni bateaux négriers, chaînes ou boulets, il s’agit toujours de violation des droits de l’homme et de la dignité humaine tels qu’énoncés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) des millions de personnes, et majoritairement des femmes et des enfants, seraient concernés dans tous les pays.

Les différentes formes d’esclavage aujourd’hui

Les organisations onusiennes et des ONG mettent l’accent principalement sur quatre formes d’esclavage à savoir l’esclavage traditionnel, les mariages forcés, l’esclavage domestique et l’exploitation des enfants.

L’esclavage traditionnel, cette forme d’esclavage est caractérisée avant tout par la notion d’appartenance. L’esclave est la possession du maître. Il est acheté, vendu, (parfois avec des papiers en bonne et due forme). Les enfants nés des esclaves sont normalement considérés comme appartenant au maître et peuvent à leur tour être vendus.  Cette forme d’esclavage à l’ancienne continue à sévir (bien que théoriquement illégale) en Mauritanie.

 Ensuite, il y a les mariages forcés.  Il s’agit de mariages où la femme, sans avoir le droit ou la possibilité de refuser, est promise à un autre, ou est transférée à une autre personne, ou, à la mort de son mari, peut être donnée en héritage à une tierce personne. Certains estiment que les mariages forcés, font partie de la tradition ancestrale et le patrimoine culturel de certaines sociétés et, par conséquent ont une certaine légitimité. D’autres parlent du non-respect des droits de l’individu.

En troisième position vient l’esclavage domestique. Partout dans le monde les travailleurs domestiques sont mal protégés par la législation par rapport au salaire minimum et aux conditions de travail. Parfois des conditions mauvaises basculent en esclavage. Ceci est rendu possible en partie du fait que fréquemment, il s’agit de gens qui vivent sous le même toit que les employeurs, donc isolés de leurs familles et du réseau et tout témoignage qui pourrait éventuellement offrir une mesure de protection, et aussi c’est une population vulnérable ; femmes, enfants, immigrés.

Ce qui est nouveau dans l’esclavage domestique est le fait que dans les pays riches, parce qu’un minimum social est assuré et par conséquent une main d’œuvre, corvéable et bon marché manque, on commence à trouver à grande échelle l’importation du personnel venu du tiers-monde.

Les abus, et les conditions d’esclavage sont fréquents. Confiscation de l’autorisation de travail et des papiers d’identité, séquestration, refus de verser le salaire promis, et diverses formes de violence.

Pour finir, l’esclavage des enfants. En effet, dans les pays  très pauvres, le travail des enfants est parfois essentiel à la survie de la famille. Mais, de plus en plus, on voit basculer un travail d’enfants “acceptables” vers des conditions d’exploitation d’esclavage pour des besoins économiques des marchés extérieurs.

Les enfants se trouvent là parce que leurs parents  sont dans l’impossibilité de subvenir aux besoins d’une famille, ou parce qu’on leur promet, hébergement, salaire et éducation. Les cas de maltraitance sont fréquents. Quand ils grandissent leur vie est en ruine. Souvent en mauvaise santé ; inflammation des poignées et arthrite, malformation des os à force d’être assis accroupis, la vue endommagées par un mauvais éclairage, ils sont rejetés et remplacés par des plus jeunes.

On peut également citer, le servage pour dette qui prend aujourd’hui des proportions inquiétantes.

Le Togo dans tout ça…

Au Togo, l’esclavage traditionnel est inexistant. Mais les autres formes d’esclavages modernes existent bel et bien.

En effet le cas des mariages forcés est évocateur. Selon l’enquête par grappes à indicateurs multiples (Multiple Indicator Cluster Surveys – MICS) réalisée en 2010 par la Direction générale de la statistique et de la comptabilité nationale du Togo avec l’assistance financière et technique de l’UNICEF et du Programme des Nations Unies pour le développement, 7 pour cent des femmes de 15 à 49 ans se sont mariées ou étaient en union avant l’âge de 15 ans tandis que 29 pour cent de[s] femmes de 20 à 49 ans ont contracté leur mariage ou union avant l’âge de 18 ans.

Une enquête démographique menée par la Direction de la statistique du Togo avait montré qu’en 1998, une femme sur deux, parmi celles âgées de 25 à 49 ans, s’étaient mariées ou étaient dans une union avant l’âge de 18,8 ans, et une femme sur dix s’étaient mariées ou étaient dans une union avant l’âge de 15 ans .

D’après l’enquête MICS effectuée par le Togo en 2010, les taux pour le mariage avant 15 ans et 18 ans sont plus élevés en milieu rural qu’en milieu urbain, et le taux de mariages précoces est plus élevé dans la région de la Kara, dans le nord du pays. Dans son rapport annuel intitulé Country Reports on Human Rights Practices for 2011, le Département d’État des États-Unis affirme que le mariage précoce existe dans le nord du pays. De même, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches le 13 mars 2013, une représentante de Femmes, Droit et Développement en Afrique (Feddaf), un réseau panafricain d’ONG fondé en 1990 (Feddaf janv. 2013), explique qu’au Togo, la pratique des mariages forcés existe surtout dans le nord du pays ainsi que dans la région de Vogan, dans le sud.

Autre cas, au Togo, les travailleurs domestiques vivent dans des conditions très difficiles. Certains, surtout les femmes et les jeunes filles mineures, sont fréquemment victimes de violences sexuelles et physiques. Bien qu’il n’existe pas de statistiques fiables en la matière, les organisations de défenses des droits humains sont formelles.

Ainsi,  selon les analyses de la Plateforme des Organisations de Défense des Droits des Employés Domestiques (PODDED-Togo), les travailleurs et travailleuses domestiques  sont quotidiennement victimes de toute sorte de maltraitances humaines et dégradantes. Des violences physiques, morales et psychologiques, le tout couplé de harcèlements sexuels.

Le dernier cas est celui de l’exploitation des enfants. Près de 30 % des enfants sont malheureusement obligés de travailler au Togo. Les jeunes filles sont employées dans des travaux physiques et laborieux. Ainsi, beaucoup de petites togolaises, appelées enfants « portefaix », sont exploitées pour le transport des fardeaux d’un étal à l’autre. Les conditions sont impitoyables et les efforts requis exténuants. D’autres jeunes filles sont contraintes de se prostituer pour subvenir aux besoins de leur famille. Leur situation est alors inhumaine : maladies sexuellement transmissibles, grossesses indésirables, tortures et mauvais traitements. Elles ne se remettent généralement jamais de ce qu’elles sont amenées à vivre dès leur plus jeune âge. D’autres enfants sont également employés dans les milieux agricoles. Ils travaillent dans les champs et sont alors exposés à de graves risques d’atteintes à leur vie : maladies, morsures et tortures.

Le plus grave est que ce travail, qui s’apparente sérieusement à de l’esclavage, est parfois mis en œuvre dans le cadre scolaire. Les enseignants profitent ainsi de leurs élèves pour leur propre bien être et exploitent ces enfants sans scrupules à leurs fins économiques.

Augustin Amegandjin

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