Non, le mercure n’est pas près de redescendre. Comme l’a confirmé le bilan annuel du programme européen Copernicus, la température atmosphérique moyenne de la Terre a dépassé les 15 °C, soit 0,7 °C de plus qu’en 1990 ou 1,6 °C supérieur aux niveaux préindustriels. Mais ces records se retrouvent également intrinsèquement liés à ceux des thermomètres océaniques.
Dans une étude (1) publiée le vendredi 10 janvier dans la revue Advances in Atmospheric Sciences, des chercheurs chinois, américains et européens confirment que d’autres records ont été battus en 2024 à la surface et sous la surface des océans. Pour ce faire, ils ont passé à la moulinette les données de deux corpus d’un modèle statistique développé par le Conseil national de recherche d’Italie : celui du service maritime de Copernicus, basé sur les 3 000 flotteurs du réseau Argo mesurant régulièrement la température et la salinité jusqu’à 2 000 mètres de profondeur ; et celui de l’Institut de physique atmosphérique de l’Académie chinoise des sciences, qui compile les mesures d’une variété d’instruments installés à travers le globe.
Un stock de chaleur sous pression
D’après leurs estimations, la température moyenne à la surface de l’eau a été de 0,61 °C supérieure à celle de la période 1981-2010, bondissant de 0,07 °C par rapport au précédent record atteint en 2023. Résultat ? La température moyenne se chiffre désormais à 20,87 °C. Selon les chercheurs, il s’agit en partie des effets résiduels sur l’océan du phénomène atmosphérique El Niño, observé entre juin 2023 et mai 2024 et l’un des plus forts jamais enregistrés. « L’océan agit comme notre sentinelle du réchauffement climatique, car il représente le principal puits d’excès de chaleur », rappelle l’océanographe Karina von Schuckmann, coauteur de l’étude.
L’océan, en particulier dans les 2 000 premiers mètres de profondeur, accumule environ 90 % de cette énergie calorifique sous la forme de ce que les scientifiques appellent le contenu thermique des océans. Celui-ci se répercute ensuite sur la température de surface. Exprimé en zettajoules (c’est-à-dire mille milliards de joules), ce stock ne cesse de croître depuis 1958 d’environ 6,4 ZJ par an. Mais en 2024, cette augmentation annuelle a atteint 16 ZJ, notamment du fait d’accumulations records de chaleur dans l’Atlantique, la Méditerranée, l’océan Indien et le Pacifique Nord. Une accumulation qui, à terme, pourrait dérégler certains courants marins essentiels aux cycles météorologiques, comme la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique (Amoc).