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Interview:Espoir KOUDJODJI, Président du Mouvement Nouveau Citoyen : « Le développement anarchique des carrières de sables fait perdre des terres cultivables »

L’exploitation anarchique du sable fait des dégâts. Elle est passée d’une  activité lucrative à un véritable problème de santé publique. Des entreprises, pour la plupart illégales outrepassent les règles telles qu’éditées dans le code minier en vigueur au Togo. Il y a cependant des associations comme le Mouvement Citoyen qui font un travail de contrôle de l’action publique, d’enquête et de dénonciations pour amener les autorités compétentes à  plancher sur le développement des carrières sauvages. Malgré les lois et textes bien rédigés, du chemin reste à faire comme le confirme Espoir Koudjodji, président du Mouvement Nouveau Citoyen. Dans cette interview exclusive accordée au bimensuel Social Infos, cet acteur de la société civile  explique le bien-fondé du combat mené pour ne pas laisser le phénomène s’amplifier d’avantage. L’extraction du sable sans respect des normes est un problème environnemental dont les répercussions peuvent s’étaler sur les années à venir. Il propose aussi des approches de solutions que l’Etat peut étudier.

Social Infos : Vous militez dans une association qui lutte principalement contre la prolifération des carrières de sable. Parlez-nous un peu de ce combat.

C’est depuis 2017 que nous avons commencé ce combat. L’autorité a finalement pris le problème au sérieux. Avec nos enquêtes et actions médiatiques, les carrières de Nimagna, Alogavi et Devikinme ont été fermées. En parlant d’autorité, je fais allusion aux ministères de l’environnement, des mines et de l’énergie, celui de la sécurité et de la protection civile. Ils sont allés plus loin en sortant un communiqué interministériel qui interdisait la création de carrières illicites avec les sanctions qui s’appliquent aux contrevenants. On a compris près de deux ans après que le problème s’est aggravé avec la multiplication de carrières anarchiques d’exploitation de sable qui continue.

Nos enquêtes nous ont permis de comprendre que la société en charge de l’extraction est basée sur l’ancien site de Ceco BTP à Aveta. Comment une société dite « légale » peut s’adonner à ces pratiques ? La société a ses carrières dans la brousse.  On a compris que les manquements découverts dans ces carrières allaient être réglés si des études approfondies avaient été faites et des contrôles trimestriels respectés.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez sur le terrain ?

D’abord, les moyens. Pour faire les visites de terrain, il faut des moyens. Du côté sécuritaire, il faut être prudent parce que les gens savent qu’ils sont en train d’enfreindre  à la loi en ne respectant pas les conditions d’exploitation des carrières. Quand vous allez sans aucune forme de discrétion, vous pouvez y laisser votre vie. Le travail que nous faisons est une œuvre citoyenne parce que l’Etat a prévu des dispositions en la matière mais nous pensons qu’il faut un suivi. Souvent, ces carrières se développent en connivence avec les autorités locales qui en profitent sans que l’Etat ne soit au courant. Nous pensons que c’est une œuvre utile que nous faisons avec les moyens de bord. Il faut maintenant que l’Etat fasse en sorte que le problème soit réglé une fois pour de bon.

Qu’en-est-il des impacts sur la vie des populations ?

Suite à nos actions les populations d’Abobo Sagonou, Aveta et d’Akoumapé nous ont saisis sur des cas d’exploitation anarchique de carrières de sable dans ces zones. Nouveau Citoyen avec ses partenaires a mené des visites discrètes dans ces lieux. A Akoumapé, il s’agit d’un drame socio-environne-mental du moment où ce sont de grosses fosses qui sont créées au beau milieu des champs et délaissées à la fin de chaque exploitation.

Les carrières sont à quelques mètres de la voie principale. Il n’y a pas de contrôles de circulation. Même au niveau des fosses il n’y a pas de panneau de signalisation pour dire qu’il y a un danger. Avant l’exploitation du sable, il y a l’abatage anarchique des arbres alors que ces zones regorgent de terres fertiles vu  que les populations vivent essentiellement de l’agriculture. Le développement anarchique des carrières de sables fait perdre des terres cultivables.

Or le code minier dit qu’après chaque exploitation minière, il faut réhabiliter le site. A Akoumapé par exemple, il y a trois sites qui sont délaissés. C’est vrai que c’est dans les champs mais il y a des habitations à côté.

Dans ces carrières dont nous parlons, il n’est pas rare de voir des femmes en pagne avec des enfants au dos. Vous pouvez y voir aussi des enfants qui sont à la lisière des grosses fosses de même que des ouvriers sans uniformes de travail (bottes, casques, entre autres).

Est-il vraiment difficile de sanctionner les entreprises qui ne suivent pas la réglementation ?

C’est vrai qu’il y a le besoin en sable mais cela ne doit pas faire perdre de vue les dégâts sur le plan environnemental et social. Ces fosses dont nous avons parlées, deviennent des lacs artificiels en saison pluvieuse avec des moustiques qui pullulent. Il y a aussi des maladies qui se développent. Nous pensons que les populations ont besoin de faire une activité et de survivre mais il faut respecter la loi. Si on veut s’aventurer dans le domaine, il faut nécessairement suivre les règles qui régissent le domaine. Si vous voyez des carrières illégales où des services étatiques vont percevoir des taxes, cela rend la tâche plus difficile.

L’étape de sensibilisation est passée. Il faut sévir vis-à-vis des acteurs véreux qui ne veulent pas suivre la règlementation. Il faut obliger les citoyens à respecter la loi.

Quelles sont les propositions que vous avez pour venir à bout de ce mal qui ronge les populations ?

Nous pensons que l’Etat doit analyser la situation et voir les mesures à adopter. Les carrières qui sont à leurs débuts d’exploitation et qui vont sans doute poser de problèmes environnementaux peuvent être fermées. Celles qui existent depuis, doivent suivre les étapes d’audit environnemental. L’Etat aussi peut créer des carrières. Nous pensons que c’est la meilleure des solutions. C’est des propositions à analyser. Il y a même des cours d’eau qui peuvent être dragués pour faire face aux besoins. Des fois, l’Etat est obligé de débourser des fonds pour le dragage du sable des cours d’eau. Il faut penser à des solutions de ce genre.

En conclusion, que relevez-vous ?

Je voudrais vous remercier Social Infos pour l’opportunité. C’est un combat citoyen que nous menons. Il faut expliquer ces dangers aux populations. Il faut expliquer aux populations les impacts négatifs que les carrières illégales ont sur leur vie. Et la Presse a aussi son rôle à jouer.

Propos recueillis par Assou F.

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